JANVIER 1915 : La Bataille pour le Sommet
Le 28 décembre 1914, les allemands envoient à leur tour un détachement composé de 40 hommes du 123ème L.I.R. (Landwehr Infanterie Regiment) au sommet de l'Hartmannswillerkopf. Ils s'installent près de l'Aussichtsfelsen (Rocher Panorama) et ignorent tout de la présence du détachement français, situé un peu plus haut et masqué par l'épaisse forêt. Le 30 décembre 1914, les patrouilles françaises et allemandes se rencontrent dans le sous-bois et échangent des tirs qui provoqueront la mort du premier soldat allemand, Maximilian Ott, affecté à la 8ème Compagnie du 123ème L.I.R..
Le 04 janvier 1915, la 8ème Compagnie du 123ème L.I.R. ainsi qu'un détachement du Landsturmbataillon Heidelberg remontent vers le sommet et attaquent à nouveau les postes français commandés par le sergent Calestroupat et le caporal Destroyat. Ces derniers résistent à l'attaque après avoir reçu les renforts de deux sections commandées par le sous-lieutenant Canavy. Les français comptent cependant 06 blessés et 10 morts dont le sergent Calestroupat.
Le 09 janvier 1915, les allemands repartent à l'attaque des positions françaises situées près de la crête. Précédée par les premiers tirs d'artillerie, l'attaque allemande du 123ème L.I.R. a lieu à 13 heures 30. Les avant-postes français résistent, renforcés par un peloton du 68ème B.C.A. (Bataillon de Chasseurs Alpins). Du côté allemand, la conquête du sommet est un échec et ils déplorent 34 morts ainsi que 81 blessés.
Les allemands ne souhaitent pas laisser le sommet de la montagne aux mains des français, qui leur offrirait un poste d'observation privilégié sur l'ensemble de la Plaine d'Alsace et ses voies de communication. Le 19 janvier 1915, ils lancent une nouvelle attaque d'envergure et réussissent à prendre, au-dessus de Wattwiller, le rocher du Hirtzenstein, tenu par des hommes du 28ème B.C.A..
Au sommet de l'Hartmannswillerkopf, le 123ème L.I.R., le 119ème L.I.R., le 14ème M.J.B. (Mecklemburgische Jäger Bataillon) ainsi que le 11ème Uhlans de la 42ème Brigade de Cavalerie passent également à l'attaque et encerclent le fortin français, occupé par les chasseurs alpins du 28ème B.C.A.. Sous le commandement du sous-lieutenant Canavy, les français résistent héroïquement aux multiples assauts allemands. Des renforts français des 13ème, 28ème et 53ème B.C.A. tentent de percer les lignes allemandes du front du Silberloch, pour dégager les hommes bloqués au sommet mais en vain car ils essuient des tirs de mitrailleuses qui empêchent toutes progressions. Les chasseurs alpins bloqués au sommet ne peuvent communiquer avec les renforts qu'au son du clairon, et combattent malgré les températures glaciales (-14°C) et l'épaisse couche de neige. Le 21 janvier 1915, les allemands ont acheminé à côté du Rocher Panorama le premier Minenwerfer (mortier de tranchée) et procèdent à une vingtaine de tirs d'obus pesant chacun 50 kilos. Ceux-ci touchent au but, atteignant les dépôts de vivres, de munitions et tuant le sous-lieutenant Canavy et le chasseur Mosnier, clairon de la compagnie. Epuisés, les français sont contraints de se rendre et 118 survivants seront conduits à Mulhouse avant de partir en captivité en Allemagne. Les combats du 19 au 21 janvier 1915 auront fait plus de mille morts dans les deux camps.
L'ORGANISATION DU FRONT
A l'issue de ces premiers combats, français et allemands procèdent à une meilleure organisation de leurs secteurs de combats ainsi que de leurs positions arrière, car tout est à faire. Sur le secteur du front, des boyaux de liaisons sont aménagés et des tranchées approfondies. Des postes, des abris, des casemates, des camps sont créés sur la Montagne.
Afin de rejoindre le secteur de l'Hartmannswillerkopf, les français améliorent les voies d'accès depuis Willer-sur-Thur et Bitschwiller en direction du camp Turenne, du camp Hoche, du Molkenrain pour faciliter le passage de la troupe, de l'approvisionnement ainsi que de l'artillerie. De nombreuses batteries de différents calibres seront disséminées dans la montagne en périphérie du champ de batailles (Grand Ballon, Goldbach, Molkenrain, Freundstein, Roche Dure, Herrenfluh, Wolfskopf).
De leur côté, les allemands procèdent aux mêmes améliorations en fortifiant les positions tenues au sommet avec des tranchées et abris bétonnés. L'acheminement des matériaux, vivres, munitions et armement est rendu possible grâce à la création de la voie serpentine entre février et mai 1915, chemin de liaison essentiel entre la plaine et le sommet. L'artillerie allemande est elle aussi placée sur un demi cercle autour de l'Hartmannswillerkopf (forêt du Nonnenbruch, de Wittelsheim, de Staffefelden, de Berrwiller, de Bollwiller, Sandgrubenkopf, Thierenbachkopf).
FEVRIER 1915 : L'attaque française
Nouvellement promu à la tête de la 66ème Division d'Infanterie depuis le 29 janvier 1915, le général Serret va installer son poste de commandement au Molkenrain, qui surplombe l'Hartmannswillerkopf de presque 200 mètres. Il va décider de recentrer l'attaque sur cette partie du front. Le 27 février 1915 entre 11 heures et 15 heures, treize batteries françaises pilonnent les positions allemandes avant que l'attaque des 7ème, 13ème et 53ème Bataillons de Chasseurs Alpins soit déclenchée. La préparation d'artillerie française n'a pas atteint ses objectifs et l'attaque est enrayée par les troupes du 161ème R.I.R. (Rheinischen Infanterie Regiment), du Landsturmbataillon Mannheim et du 2ème escadron du 11ème Uhlans.
MARS 1915 : Nouvelles attaques françaises
Une nouvelle offensive française a lieu le 05 mars 1915 dans le secteur nommé Jägertanne, par les chasseurs du 13ème B.C.A., qui se trouvent encore face aux hommes du 161ème R.I.R. allemand. Toute une compagnie de ce régiment est anéantie notamment par le tir de barrage précis de l'artillerie française (pièces de 220mm placées à Goldbach).
Le 17 mars 1915, les 7ème et 13ème B.C.A. poursuivent leurs efforts car l'objectif premier n'est toujours pas atteint à savoir la prise du sommet. Cette nouvelle attaque échoue une fois de plus et occasionnent de nombreuses pertes dans les deux camps. Le 13ème B.C.A. est relevé par le 152ème R.I alors que du côté allemand, le 161ème R.I.R. décimé, est retiré du front et remplacé par le 25ème I.R. (Infanterie Regiment).
Le 23 mars 1915, le 152ème R.I. soutenu à sa droite par le 7ème B.C.A. passent encore à l'attaque, après une préparation d'artillerie de quatre heures, réunissant 57 pièces (25 canons de 220mm et 32 canons de 155mm). Les français prennent à revers la roche Sermet mais sont bloqués par les mitrailleuses allemandes à 150 mètres du sommet. Là aussi, les pertes sont lourdes : 400 morts et plus de 200 prisonniers du côté allemand. 260 morts dont 09 officiers du côté français (commandant Brun, capitaine Rochette, lieutenant Routhier, sous-lieutenant Pasquier)
Trois jours plus tard, le 26 mars 1915, les offensives françaises se poursuivent toujours et le 152ème R.I. repart à l'assaut du sommet renforcé par des sections de plusieurs bataillons de chasseurs alpins. L'attaque est décisive et le sommet atteint et dépassé jusqu'au Rocher Panorama, la Bischofshut et la Courbe 7. Les allemands déplorent plus de 1000 morts ainsi que 1600 soldats prisonniers.
AVRIL 1915 : Contre-attaque allemande
La partie sommitale du HWK étant tenue par les troupes françaises, ces dernières disposent d'une vue globale sur les positions allemandes de la plaine d'Alsace, ses voies de communications et ses infrastructures, qui sont battues par l'artillerie. La station d'arrivée du téléphérique est également aux mains des français. Les allemands ne pouvant plus subir cette menace décident de reprendre le sommet du HWK. Après une première tentative, avortée le 19 avril 1915, les troupes allemandes du 75ème Infanterie Regiment, des Chasseurs de la Garde et du 8ème Bataillon de Chasseurs de Réserve, passent à l'attaque le 25 avril 1915, après une préparation d'artillerie de deux heures. Ils remontent les pentes et obligent les français du 152ème R.I. et du 57ème R.I.T. à se replier dans les positions initiales qui étaient tenues le 23 mars 1915. Pris en tenaille par la manœuvre allemande, plus de 800 hommes sont tués, blessés ou faits prisonniers du côté français. Le sommet est totalement dévasté, touché de plein fouet par les tirs d'artilleries incessants des deux camps.
Le 26 avril 1915, les chasseurs du 7ème B.C.A. repartent à l'attaque et réussissent à reprendre le sommet sans toutefois pouvoir le dépasser. Chacun étant exposé aux tirs de l'artillerie adverse, le front se stabilise des deux côtés du sommet, celui-ci devenant le no man's land. Chaque camp se fait face et les lignes ne sont distantes que de quelques mètres. Le HWK est dénommé " Tête de Mort " par les soldats allemands. Ce même jour, environ 700 prisonniers français en provenance du secteur du HWK, transitent par la gare de GUEBWILLER, avant d'être transférés en Allemagne.
MAI 1915 : Les mêmes unités combattantes allemandes sont depuis plusieurs semaines dans les tranchées du HWK et sont continuellement sous le feu des tirs français. Les tranchées ennemies se sont parfois qu'à huit mètres des leurs. Les arbres sont complètement rasés, écrasés, broyés. La troupe n'a plus d'appétit à cause de la puanteur des cadavres de soldats morts, qui est insupportable et tout sommeil est impossible.
ETE 1915 : La fortification de la Montagne
Durant cette période estivale, le front du HWK est relativement calme. Les combats se sont reportés plus au nord où l'on se bat dans le secteur du Lingekopf et du Schratzmännele. A l'Hartmannswillerkopf, l'été est mis à profit pour parfaire les aménagements des tranchées, galeries, abris et poursuivre les travaux de fortification. Les français améliorent leurs voies de communication entre leurs cantonnements de la vallée de la Thur et le secteur du Molkenrain où se trouve le poste de commandement, des batteries d'artillerie ainsi qu'un certain nombre de camps disséminés sous bois.
Les allemands, de leur côté, acheminent des tonnes de ciment et matériaux divers à l'aide de deux téléphériques construits sur le flanc nord-est de la montagne. En juillet et août 1915, ils améliorent notamment les positions du Bischofshut et du Bastion. Les pionniers allemands équipés de perforatrices pneumatiques s'affairent à creuser d'immenses galeries souterraines, qui, reliées entre elles, permettent aux fantassins de rejoindre les fortins présents sur la ligne de crête. L'eau, l'électricité, le téléphone sont alors distribués jusqu'en premières lignes. On déplore quelques duels d'artillerie ou de grenades voire quelques coups de main pour tenter de prendre un peu de terrain à son adversaire.