HWK : Les Observatoires
Les observatoires français
Durant la première guerre mondiale, les points d'observations français ou allemands, situés aux sommets ou sur les pentes du massif vosgien, entre les secteurs de THANN et GUEBWILLER ont joué un rôle primordial. Ils permettaient non seulement de surveiller et contrôler les mouvements ou les préparatifs de l'ennemi, d'observer leurs abris et cantonnements, leurs tranchées et autres ouvrages mais surtout de régler et de rectifier les tirs des pièces d'artillerie.
Le travail des observateurs était ardu. Ceux qui se trouvaient dans les observatoires aménagés et fortifiés étaient soumis aux tirs incessants de l'ennemi.
Le Rangenkopf :
Altitude 608 m. On accède facilement au Rangenkopf à partir du vallon du Kattenbach à Thann. Le poste d'observation, dont il ne subsiste plus rien, se situait en arrière du sommet (595 mètres) et dominait la plaine de 250m. Il était d'importance plutôt secondaire, puisque la vue s'étendait, non sur la plaine entière, mais sur la région du front allemand de l'Ochsenfeld à l'est de Thann (Aspach-le-Haut, Saint-André, Cernay). Dans son livre « Le Vieil Armand 1915 », où Henri Martin raconte ses souvenirs d'observateur d'artillerie, il précise qu'en février 1915 l'observatoire du Rangenkopf réglait le tir d'une batterie française de 155, en position dans le vallon du Kattenbach, sur une batterie allemande située 500 mètres à l'est de Wattwiller. Le poste semblait « de tout repos, jamais bombardé ».
L'Amselkopf :
Altitude 614 m. On y accède soit à partir de Steinbach, par le Hirnelestein, soit à partir de Vieux-Thann, en passant par la Waldkapelle. Il s'agissait d'un observatoire important, offrant une vue très étendue sur la plaine d'Alsace. Le sommet de l'Amselkopf domine en particulier la fameuse cote 425, le vallon de Steinbach, le secteur de Cernay et Sandozwiller. Autour de l'observatoire du sommet se trouvent quelques autres petits observatoires dont les emplacements ne sont presque plus identifiables et permettaient de contrôler trois batteries françaises. Le général Marcel Serret, commandant la 66ème division d'infanterie, inspecta l'observatoire de l'Amselkopf le 03 février 1915. Le lieu fut fréquemment bombardé par l'artillerie allemande qui cherchait à éliminer les observateurs français. Sous les ruines du poste d'observation du sommet se trouve un abri creusé dans la roche offrant un intérêt particulier. En effet, dans cette salle sont encore visible 7 conduits maçonnés, de plusieurs mètres de longueur. Chaque conduit est orienté en direction d'un sommet voisin et permettait à un opérateur de transmettre des signaux lumineux. Ce système de liaison optique permettait d'échanger rapidement des informations et ne pouvait pas être perçu par l'ennemi. La conception de cette salle, avec ses conduits, est unique et particulière sur cette partie du front des Vosges.
Mardi 02 février 1915 : " Parti de bonne heure, par Waldkapelle, je découvre plusieurs observatoires sur l'Amselkopf, qui domine la plaine. J'observe à la lunette de batterie la cote 425, la fameuse colline pour laquelle on s'est battu les mois derniers. Depuis notre attaque du 26 décembre sur le village de Steinbach, elle est criblée d'entonnoirs encore pleins de neige. La terre rougeâtre apparaît par endroits, car la neige n'est pas très épaisse sur le plateau".
Mercredi 03 février 1915 : " Nous avons dans l'observatoire du 155 court un petit tableau sur lequel sont inscrits les résultats des tirs antérieurs sur divers objectifs et nous en profitons pour choisir les nôtres. Je règle avec le sous-lieutenant Renaud un tir à obus à mitraille sur la deuxième tranchée allemande du plateau de l'Oratoire, près d'Uffholtz. En onze coups, le tir est réglé fusant, à bonne hauteur, grâce aux indications du petit tableau. Nous n'avons fait, pour ainsi dire, qu'un contrôle. A la jumelle, on voit les éclats tomber sur les talus de la tranchée dont la terre voltige." Extrait du livre d'Henri Martin Le Vieil Armand 1915 - Chapitre 4 -
Hirnelestein :
Altitude 496 m. On atteint le Hirnelestein depuis le vallon du Silberthal à Steinbach. Il ne s'agit pas d'un sommet mais d'un piton de porphyre. Moins important que l'Amselkopf, il est plus bas et plus près de la plaine où il domine le secteur entre Steinbach et Cernay. Les observateurs français y ont creusé une chambre souterraine, consolidée de murs en maçonnerie. Une meurtrière située à l'extrémité de cette chambre servait d'observatoire d'artillerie en direction de la plaine. A gauche du rocher existe encore les vestiges d'un poste de mitrailleuse. Les alentours sont très pittoresques, avec des formations rocheuses imposantes. On y retrouve encore un abri en mauvais état, et des entrées de tranchées ou de galeries éboulées. On accède au rocher par un escalier en fer et le rocher est entouré d'un garde-fou métallique. Avant la première guerre mondiale, le Hirnelestein constituait le but des excursions de dimanche de fin de mois notamment pour les Mulhousiens qui prenaient le train jusqu'à la gare de Cernay avant de rejoindre à pied ledit rocher.
Schletzenburg :
A une altitude 512 mètres, il se trouve en face du Hirnelestein, au nord par rapport au vallon de Steinbach. C'est également un rocher de porphyre tout comme le Hirnelestein, mais moins imposant que ce dernier. Il est déjà mentionné en 1467 sous le nom de « Slettstein ». Dans le livre d'Henri Martin, il précise qu'il servait comme observatoire secondaire et émettait des signaux lumineux. Par un petit boyau, on accède au poste d'observation creusé dans le rocher. Au niveau de l'assise de la fenêtre d'observation est encore visible l'inscription "2e R.A.M.", trace du passage et de l'occupation des lieux par les hommes du 2ème Régiment d'Artillerie de Montagne. Le poste offre une vue sur la plaine d'Alsace avec, au premier plan, les secteurs de Steinbach et Uffholtz. Sur la gauche du rocher, par rapport à son entrée, subsiste également les murs d'un abri pour les occupants du poste.
Wolfskopf :
Son altitude est de 784 m. Il s'agit du sommet qui se trouve sur la crête partant du Schletzenburg près de Steinbach et qui s'étend jusqu'au Molkenrain. On l'atteint depuis le Schletzenburg par une pente assez abrupte ou, plus facilement depuis Uffholtz par le vallon du Schmittenrunz. Le sommet avait un intérêt pour les observateurs et les artilleurs français car il domine le vallon de Wattwiller avec le rocher du Hirtzenstein, tenus par les allemands. Dans le périmètre du sommet se trouvait des batteries de canons de 95 mm en mars 1915, positionnés en préparation de la grande offensive contre le Hartmannswillerkopf. Même si l'on retrouve encore les traces des bombardements de l'artillerie allemande sur le terrain rocailleux, il ne subsiste plus de vestiges des abris de cette époque. L'artilleur et écrivain Paul Lintier servait au Wolfskopf durant l'hiver 1915-1916.
Herrenfluh :
Altitude 858 m. On y accède depuis la route départementale 431 reliant le village d'Uffholtz au col du Silberloch. A quelques mètres du bord de la route, le rocher visible était autrefois surmonté d'un château féodal, nommé « Altschloss » et détruit par les Suisses pendant la guerre du Sundgau en 1468. Il ne subsiste sur le rocher qu'un pan de mur de cette ancienne ruine.
Le commandement français avait rapidement reconnu l'extrême importance de cet observatoire qui est situé directement en face du massif de l'Hartmannswillerkopf et ses pentes sud. Après avoir passé le rocher de l'ancien château et en restant sur la ligne de crête sur une distance d'environ 100 mètres, on découvre les vestiges d'un ancien abri d'observation. A droite de cet ouvrage, en suivant les restes d'un boyau, l'on débouche sur l'entrée d'une galerie. C'est à cet endroit qu'en janvier 1915, à partir d'une modeste cagna, se développa cette remarquable galerie sur une longueur d'environ 75 mètres. Elle peut être encore parcourue avec précaution et l'on aboutit dans trois pièces comportant chacune une embrasure pour signaux lumineux en direction de l'ouest et du nord. Les allemands ne manquèrent pas de tirer sur cet observatoire déjà repéré en février 1915.
Dans la forêt, à l'ouest du Herrenfluh, en direction de l'ancien camp Hoche, se trouvaient des batteries françaises de 65 de montagne mais l'observatoire du Herrenfluh contrôlait notamment les tirs des canons français de 155 mm, en position dans le vallon du Kattenbach à Thann. Le lieutenant Henri Martin a effectué dans son livre (p. 38 et 64) des croquis du 1er abri des observateurs, construit à l'abri du rocher.
Témoignages : Lieutenant Henri Martin, le 31 janvier 1915
" Enfin, au bout d'une heure et demie de marche, nous arrivons à une montée extrêmement pénible, sous les sapins, dans les rochers couverts de neige. Il en est d'énormes. En nous dissimulant nous parvenons à la cime d'Herrenfluh, au pied du rocher portant les ruines d'un château féodal. Couché dans la neige, derrière les roches, une coiffe blanche sur son béret, le lieutenant Chedal nous montre à moins de 2000 mètres en face, une vaste montagne boisée dont les pentes s'inclinent vers la plaine et vers la cime de laquelle se trouve un observatoire ennemi dont il faut, paraît-il se méfier. C'est l'Hartmannswillerkopf ".
Herrenfluh, le samedi 20 février 1915
" Nous avons construit, depuis quinze jours, un abri formidable contre les marmites, dans les rochers. Tous les 105 du monde peuvent frapper sur la roche ou fuser dans les ramures. On les écoute avec un plaisir pareil à celui du voyageur bien abrité de la pluie qui fouette sur un toit. Des tôles ondulées nous protègent de l'eau du ciel; nous avons construit hier un plancher, une cloison, une table et un banc rustiques. Nous avons un petit fourneau qui réchauffe nos repas froids et, s'il faut passer la nuit dans ce blockhaus, nous nous ferons avec des planches un lit que nous remplirons de paille. Je me plais beaucoup ici ".
Ajouter un commentaire